Juillet ?1830 — Feuillet autographe

Ce feuillet manuscrit autographe, sans titre ni date est paginé « 9 », ce qui laisse supposer qu’il devait faire partie d’une ensemble plus conséquent, peut-être les Mémoires projetées par Nerval à la fin de sa vie.

Nerval y fait le récit des journées de juillet 1830, telles qu’il les a vécues à Paris. Le « nous » utilisé dans la première phrase du récit ne laisse aucun doute sur l’engagement qui fut le sien auprès des insurgés. Au verso du feuillet figurent des notes autographes difficiles à déchiffrer, et un dessin de papillons, ailes fermées et ailes ouvertes.

Nous ajoutons entre crochets l’identification de la topographie parisienne mentionnée par Nerval, qui permet de suivre son itinéraire au milieu de l’insurrection.

Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE

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Après quelques coups de feu, le poste de la place Saint-Michel se rendit à nous. J’arrivai en remontant la rue Saint-Michel à la maison du bibliophile Jacob [Paul Lacroix, qui habitait rue de Tournon] que j’étonnai de mes récits de victoire. A l’imprimerie de Béthune [rue Palatine, près de l’église Saint-Sulpice], on construisait une barricade. Je crus devoir rendre visite au vénérable Laurentie qui demeurait alors rue du Pot-de-Fer [aujourd’hui rue Bonaparte. Nerval a corrigé au crayon rue Cassette]. Il me demanda avec intérêt des nouvelles de son ami Jules Janin, qui m’avait présenté à lui et me parut fort au courant de la révolution qui se préparait. Ses amis Martignac et Lammenais n’y étaient pas étrangers. Je le quittai pour repasser la Seine et j’allai déjeuner avec deux amis qui eux-mêmes se préparaient au combat. Le pont des Arts était désert et je le passai pour la première fois gratis. On se battait sur le Pont-Neuf. En longeant les arcades du vieux palais des Médicis, je parvins à gagner la porte méridionale du Louvre et je vis rangés sur la place plusieurs carrés d’artillerie. Les lanciers étaient postés derrière l’hôtel de Nantes [cour du Carrousel, comme le Doyenné]. Sur la place du Palais-Royal, je fus arrêté et conduit à un officier qui me dit : Je ne vous conseille pas d’aller plus loin, dans la rue Montesquieu, vous rencontrerez les Suisses. Je souris des craintes de ce brave homme et je gagnai la rue du Bouloi [du carrefour des rues Montesquieu et Croix-des-Petits-Champs, elle débouche rue Coquillière] en heurtant du pied des morts et des mourants. J’atteignis enfin la maison de mon grand-père, chez lequel je fis un léger repas. Il voyait avec douleur se renouveler les scènes de la première révolution.

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